1989 Laurent Brunet
« Si nous attendons de la peinture les effets d’une drogue ou d’un excitant ; si nous nous essoufflons à pourchasser la dernière trouvaille, ou nous satisfaisons de jeux de l’esprit dits poétiques ; si nous ne pouvons parler d’art moderne sans nous référer aux recherches spatiales, au » déclin de l’Occident « , aux conquêtes de la science, Georges Romathier ne saurait être notre homme : son art n’appartient pas à l’idée qu‘on se fait aujourd’hui de l’avant-garde. » Pierre Lœb
Si je me permets de citer ces commentaires écrits en 1959 par le célèbre galeriste, c’est qu’ils demeurent vrais aujourd’hui encore. Né en 1927, Romathier n’est pas né de la dernière pluie ! Et c’est vrai qu’à le côtoyer on sent chez lui un refus véhément de toute compromission. Si sa pratique picturale s’accommode mal des modes passagères, des catégories éphémères ; il l’assume totalement. Aussi ne s’agira-t-il pas ici de tenter de placer l’artiste dans une case, aux côtes pour lui mal taillées, mais plutôt d’écouter ce refus et ce qu’il y a aussi au delà.Romathier ne se préoccupe pas de cette question des catégories. Pas plus qu’il ne se sent concerné par toute une dimension médiatique d’une grande part de l’art d’aujourd’hui ; comme si la prise en compte de cet aspect particulier devait dicter et l’esprit et la forme de toute pratique actuelle sous peine de se voir exclu, repoussé hors du champ de focalisation d’une certaine critique et par conséquent d’une reconnaissance qui lui est corollaire. J’ai entendu Romathier, souriant malicieusement, parler de ce qu’il faudrait faire pour que son art se prête au jeu malin du trompe l’œil ou du gobe-mouches. Mais cette fantaisie s’arrête pour lui aux paroles ; son travail en peinture est concerné par autre chose, qui n’est guère en vogue de nos jours : une expression qui ne doive pas tout son essor à l’activité mentale, mais à une approche plus globale. Il est par conséquent naturel qu’une telle œuvre échappe à l’arsenal critique généralement à l’œuvre aujourd’hui ; simplement parce que cette peinture dépasse la pensée, autant au niveau de la vitesse à laquelle s’exécute le geste pictural, qu’à celui des visées de cette démarche.
Plutôt que de parler d’appartenance à une quelconque catégorie, Romathier est plus sensible à la notion de filiation. Son entrée dans la peinture s’est faite par les impressionnistes, et Cézanne entre tous, mais encore par le peintre provençal Auguste Chabaud. Dans les premières oeuvres de Romathier cette influence est manifeste, toutefois il se détache d’une facture trop académique qui ne lui convient guère. Il dit qu’à travers son travail pictural ; il devient possible de dialoguer avec d’autres peintres morts ou vivants : plus souvent morts, précise-t-il. Qui sont-ils pour lui ? Des photographies se son atelier nous montrent des reproductions d’œuvres de la Renaissance, mais aussi des dessins de Giacometti par exemple.
Comme cela a été mentionné dans l’avant-propos ; Romathier travaille toujours d’après nature. Toutefois son travail dépasse la notion conventionnelle de représentation. C’est pourquoi sa démarche peut être située autant dans l’abstraction que dans la figuration, ou plus justement dans cet entre-deux qui caractérise un grand nombre de démarches artistiques actuelles.
Je terminerai cet article ainsi que je l’ai débuté ; par une citation, cette fois de Loïc Malle, extraite d’un texte écrit en 1979 :
« La peinture de Romathier vit sur ou à la limite des catégories : geste pur ou mise en scène, abstraction ou figuration, sens ou a-signifiance. Où est le peintre et son sujet ? Qui sont-ils ? »