2011 Éric Brault
L’ombre qui passe sur une figure est pour le peintre plus éloquente que la figure en elle-même. De part là peut-on parler de figuration ? La figure, le paysage que Georges Romathier étudie ne sont que les supports de ces ombres (de ses ombres ?) porteuses d’un onirisme transcendant ainsi l’ordinaire.
Résumer l’ombre que la main reliée aux souvenirs, à l’inconscient, délivre du néant. Les encres de Georges Romathier atteignent des profondeurs que leurs reflets de bistre rendent Idéales pour recréer le frisson de la chair qui s’offre. Georges Romathier est rompu au rythme du corps. Il saisit la forme et tranche dans la lumière la part d’ombre qu’il juge appropriée pour donner la profondeur, la monumentalité, l’espace infini de sa vision.
Sous le soleil du midi, le passage des ombres que les grands arbres projettent sur les murs et que le vent parfois agite violemment, donne à voir un mouvement qui peut faire penser à celui de la main qui tient le pinceau.
Comme des séquences à l’infini, à l’instar de ces frises retraçant des évènements ayant marqué l’Homme au contact de la Nature et dans une Lumière donnée, les séries d’encres s’empilent dans l’atelier. En effet il est difficile d’isoler un lavis, l’œil est entrainé par le nombre et la densité, par la variété dans l’espace de la feuille. L’espace est immense et l’œil est happé par le geste.
Ne serait-ce pas le but premier de l’art que de perpétuer cette onde de choc qu’ont provoqué la lumière et les ombres ?
C’est à Maillane que Georges Romathier, alors enfant, a été au contact de cette lumière qui rend les ombres si monumentales.
Les murs tavelés des bâtiments servaient de supports aux mouvements grandioses des projections que le soleil du midi rendait plus tranchantes, mystérieuses.
Choc initial et champs d’action
« On ne peint pas ce que l’on voit mais le choc qu’on a reçu. » Nicolas de Staël.
Certaines vies qu’un choc initial, une révélation de prime jeunesse, un vertige né de sensations que le rapport à la nature a suscité, sont entièrement consacrées à la recherche (l’approche ?) d’une émotion, guidée par une foi étrange et obstinée.
Quand l’homme arrivé à maturité descend en lui-même, l’inconscient s’avère être alors un réservoir d’images, de sensations, rendant accessible la part la plus obscure, la plus profondément enfouie, et pourtant si salutaire quand il s’agit de nourrir un travail mené sur plusieurs décennies.
Ce choc initial, cette révélation due à la lumière et aux mouvements des ombres, sont un viatique auquel on aura insatiablement recours.